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#1 06-01-2006 23:56:57

Vudock
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Le rap criminalisé

Le rap criminalisé est fait : à droite, la classe politique française a trouvé son coupable : si les banlieues se sont enflammées, c’est à cause du rap. C’est à lui que le pays doit les 240 millions d’euros de dommages estimés des émeutes de novembre 2005. Certains textes de ce genre musical sont "inadmissibles et nous n’avons pas à les accepter", a déclaré Nicolas Sarkozy, le ministre de l’intérieur, au cours d’une émission de radio début décembre. 200 parlementaires avaient au préalable signé une pétition pour demander que des musiciens de hip-hop français soient traduits en justice pour les appels à la violence contenus dans certaines de leurs chansons. Le chef de l’UMP en a d’ailleurs rajouté une louche. Pour lui, le rap, c’est peut-être de l’art mais, quand "on dépasse les bornes, (...) on doit être sanctionné".

Où se trouvent donc ces limites ? La loi française ne le précise pas. Mais il s’agit manifestement d’un peu plus que les limites du bon goût. La loi de 1881 sur la liberté de la presse comprend un passage qui interdit l’apologie de la violence. Il a été étendu en 1972 à la haine raciale et l’antisémitisme.   
Nicolas Sarkozy voudrait à présent faire voter une loi qui permettrait de condamner les injures à la République. Celui qui attaque cette dernière, même avec des mots, doit payer, tel est son credo.

En 1996 déjà, le groupe Nique ta mère (N.T.M.) avait fait connaissance avec la rigidité de l’Etat français vis-à-vis des rappeurs. Bruno Lopes et Didier Morville avaient été condamnés à de la prison pour avoir écrit : "Donne-moi les balles pour la police municipale, donne-moi un flingue." Plus récemment, le rappeur Richard Makela, alias Monsieur R, a été assigné en justice par des députés UMP. Sorti en mars, son album Politikment Incorrekt s’est retrouvé à l’index à cause du morceau FranSSe. La France y est qualifiée de "garce" et de "salope" qu’il faut "baiser jusqu’à l’épuiser".

Les homologues américains des rappeurs français - comme 50 Cent, Jay-Z ou Nelly - sont aujourd’hui devenus des stars mondiales. Les contenus politiques de leurs textes ont pratiquement disparu. Il n’y a qu’en France que l’image du rebelle noir est encore d’actualité. L’agressivité du rappeur français est dirigée contre l’Etat : "Tu veux le son qui tue/(...) Compte sur moi, t’inquiète, moi j’suis là", scandait Rohff (dans Le son qui tue, sur l’album La Fierté des nôtres>. Au-delà de mes limites, son dernier opus, est sorti il y a quelques jours. Et pour Fabe, si la France est "une vitrine", lui se voit comme "un pavé". Les rappeurs veulent souvent jouer le rôle d’étincelle. Comme leurs modèles afro-américains, ils se sentent trahis par une société qui révère les idéaux humanistes mais ne traite pas tous ses citoyens de la même façon. Leur message : nous sommes aussi mauvais que les conditions dans lesquelles on nous oblige à vivre.

Les rappeurs affirment être la conscience de la société, une définition visiblement contestée par la droite française. Le député François Grosdidier a porté plainte contre des groupes comme Lunatic, 113, Ministère A.M.E.R. et les musiciens Smala, Fabe, Salif et Monsieur R, qu’il rend directement responsables de l’escalade de la violence bien que nombre d’entre eux ne chantent plus depuis des années. "Cette musique ne s’adresse pas à un public averti (...) et qui est en mesure de prendre des messages au deuxième ou au quatrième degré", a-t-il déclaré. C’est peut-être ce type d’arrogance qui fait des enfants d’immigrés des Français de deuxième classe. D’autant qu’au fond la chanson française la plus violente jamais écrite date de 1792, et c’est la Marseillaise.

Der Tagespiegel (Allemagne) sélectionné par Courrier international

Et pourtant elle tourne!

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